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Napoléon, en admirant la disposition merveilleuse des rochers qui enserrent la baie et semblent réunir en un seul port plusieurs ports, capables de contenir chacun une flotte nombreuse, avait résolu de faire de la Spezzia son principal port militaire sur la Méditerranée. Mais le dieu qui préside aux splendeurs de la nature a défendu longtemps la Spezzia contre l’invasion des ingénieurs et la truelle des maçons. On n’y voyait point encore, avant l’achèvement de l’unité italienne, de forts ornés de leurs canonnières, ni de jetée bien droite, fendant les flots de ses murs de granit et portant à la pointe un phare polyèdre comme le flambeau de la civilisation ; c’était toujours le port de Luni, tel que Strabon le dépeignit.

Seulement, les villas de marbre, qui s’accrochent aux rochers et font descendre leurs jardins jusqu’à la mer, sont habitées par des sujets de Victor-Emmanuel au lieu de l’être par des patriciens romains ; les luxueux hôtels qui s’élèvent au bord de la plage donnent asile aux touristes anglais qui viennent prendre des bains de mer dans des flots chargés de phosphore ; un tir au pistolet est établi au bord de la route de Sestri di Levante, et, çà et là, sur cette route ou dans la belle promenade qui domine la mer du haut de ses terrasses, apparaissent des chapeaux marrons, des voiles verts et des waterproofs.