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de tendresse avec une sorte de gêne, et cherchait en vain des mots pour le remercier.

Cependant elle parvint enfin à lui répondre, en s’efforçant d’oublier la vision qui l’avait troublée et de reprendre la vie où elle l’avait laissée quelques heures auparavant.

Il lui sembla qu’elle sortait d’un rêve ; mais, chose étrange ! la réalité lui apparut tout à coup sombre et froide comme un crépuscule d’hiver. Elle frissonna.

« Vous avez la fièvre ! » dit M. de Morelay.

Hélas ! non !… la fièvre venait de la quitter, au contraire.

Ce mari, aimé depuis dix ans, lui déplut souverainement, tout à coup. Sans y prendre garde, elle le détailla comme si elle le voyait pour la première fois ; alors, elle lut distinctement les quarante ans du comte sur son front dénudé, aux cheveux gris de ses tempes, à la rudesse de sa barbe, aux plis marqués autour de ses yeux ; à ce je ne sais quoi qui trahit, par les soins mêmes de la toilette, le besoin de cultiver un reste de jeunesse.

Jusqu’alors, pour elle, le mari jeune et charmant qu’elle avait épousé était resté le même ; les changements successifs qu’apportaient les années passaient inaperçus. Elle les découvrit, alors, d’un seul coup ; et, sans songer que le comte et elle avaient vieilli ensemble, sans se souvenir que les années écoulées avaient été