ne sera peut-être point hors de propos de marquer un
peu ce que nous devons à nos maîtres de l’enseignement
supérieur. Dans son numéro du 15 Juillet 1911
(VIème Année, numéro 7, Deuxième Série) (eux aussi
ils ont des séries), (Prix : 0,60), la Revue Critique des
Livres Nouveaux publiait l’article suivant :
Charles Péguy. — Œuvres choisies, 1900-1910. — Paris, Bernard Grasset, in-12, 414 pages, 3 francs 50.
Ce volume de morceaux choisis a été composé pour révéler au grand public un écrivain connu seulement, jusqu’à présent, de quelques fidèles. C’est, en quelque sorte, un prospectus.
Il y a, en frontispice, un portrait de l’auteur par Pierre Laurens. Je ne sais s’il est ressemblant. Mais il se dégage du recueil, formé par l’intéressé lui-même, une physionomie assez précise. La voici, telle qu’elle apparaît à un simple lecteur comme moi, qui n’a par ailleurs aucun moyen, et ne se soucie pas autrement, de vérifier si elle est exacte.
L’auteur qui se présente ici au public est un homme du peuple, avec de la sève, une sorte de ferveur violente dans l’habitude de sa pensée, une certaine verdeur d’expression, assez d’humour, peu de goût, pas du tout d’esprit (çà et là, des plaisanteries d’une incroyable lourdeur). Rien de vulgaire ; mais quelque chose de très âpre[1] et, en même temps, de geignard ; et aussi, à l’occasion, de roublard. Bref, un type dans le genre de Michelet, proportions gardées.
Ajoutons : un orgueil frémissant et sans bornes, qui ne paraît pas toujours pur de tout alliage d’envie — ce qui est très « peuple » aussi. Cet orgueil s’affirme de la façon la plus naïve. Les Œuvres choisies de Péguy commencent par
- ↑ Dont il a conscience : « Cette… âpreté paysanne… » (page 59). — (Note de la Revue Critique).