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des « portraits d’hommes » ; et ces hommes sont : Zola, Jaurès, Clemenceau, Renan, Bernard-Lazare, Péguy. Elles donnent fortement l’impression, d’un bout à l’autre, que, pour Péguy, ce que dit Péguy n’est pas rien.

Il s’exprime d’une étrange manière, qui dénonce tout de suite en lui l’écrivain que la longanimité bienveillante d’un public restreint, spécialement recruté et choisi, a gâté (au sens où l’on emploie ce mot en parlant des enfants). Il semble qu’il avait, dès l’origine, des tendances à surveiller : de la propension aux exposés discursifs, sans queue ni tête ; je ne sais quelles entraves dans le mécanisme de la pensée ; du goût pour l’allitération et la litanie, avec des symptômes d’écholalie, et pour des puérilités typographiques bien connues des psychiatres. Ces infirmités sont de celles qui peuvent s’atténuer quand on les reconnaît pour ce qu’elles sont et qu’on s’impose à cet effet une discipline exacte. Mais il a été permis à l’éditeur des Cahiers de la Quinzaine, par l’indulgence d’un petit cercle admiratif, intimidé ou apitoyé, de se laisser aller sans contrôle, et même de prendre ses défauts pour des qualités et ses manies pour des dons. Il les a, en conséquence, cultivés comme son originalité propre. Le résultat ne se voit nulle part plus au clair que dans l’extravagante « Épître votive » à Ernest Psichari (numéro 35). Cependant « il faut essayer », comme dit plus loin l’auteur (page 297), « de nous remettre un peu à parler français ». C’est aussi mon avis. Disons donc nettement, en français, que cette Épître et plusieurs des morceaux qui la précèdent et qui la suivent sont du bafouillage tout pur.

Passons sur la forme. Car l’auteur se considère surtout, sans doute, comme un philosophe, un moraliste et un penseur. Il a été jadis dreyfusiste avec une ardeur profonde, ainsi, du reste, que beaucoup de ses contemporains, jeunes ou vieux, qui, quoiqu’ils aient aussi plus ou moins souffert pour cette cause (quelques-uns au point d’en mourir), n’en ont pas fait, depuis, tant d’embarras. Il a été dreyfusiste ; mais il ne saurait se consoler que l’affaire Dreyfus n’ait pas amené le règne de la Propreté sur la terre, et, subsidiairement, la glorification personnelle de ses meil-

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