Page:Cahiers de la Quinzaine, 14e série, n°9-11, 1913.djvu/198

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guerre sont capables, à une heure de passion et d’affolement, d’entraîner le pays aux pires folies ?

À qui, sinon aux crétins pangermanistes qui, en 71, ont commis contre le droit des gens un monstrueux attentat — monstrueux en Europe, 80 ans après la Révolution française ? À qui, sinon aux gouvernements allemands qui, depuis 42 ans, répètent bêtement que la question d’Alsace-Lorraine n’existe plus depuis le traité de Francfort ? À qui, sinon aux quatre grands partis politiques qui représentent la totalité de l’opinion publique allemande et qui n’ont pas le courage ou la clairvoyance — le parti socialiste allemand, pas plus que le parti libéral, pas plus que le centre catholique, pas plus que le parti des hobereaux — de dire que la question existe, qu’elle existe tellement qu’elle empoisonne tout l’organisme européen depuis 42 ans !

Le foyer d’infection, il est en Alsace. Comment peut-il y avoir en France et en Allemagne des gens assez aveugles pour ne pas le voir ?

C’est de là, et non d’ailleurs, qu’est sortie l’alliance franco-russe.

C’est là et non ailleurs que s’alimente le nationalisme français.

Tout ce qu’il y a d’idiots en France et en Allemagne ne va pas manquer de crier que je deviens nationaliste et revanchard.

Je suis plus antirevanchard et plus antinationaliste que jamais. Mais je suis un médecin qui, penché sur son malade, constate que tout son organisme s’empoisonne, s’anémie, que le siège du mal est un abcès purulent et je dis qu’il faut vider au plus vite cette poche sous peine des pires catastrophes.

L’abcès purulent qui empoisonne l’Europe — le plus grave, si l’on veut, des abcès purulents qui empoisonnent l’Europe — c’est l’Alsace-Lorraine.

La plupart des socialistes de France et d’Allemagne s’obstinent à ne pas le voir : ou, s’ils le voient, à ne pas le dire.

Ils combattent les armements et les folies de la paix armée, pareils au médecin qui combattrait la fièvre par la

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