Page:Cahiers de la Quinzaine, 14e série, n°9-11, 1913.djvu/34

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supplément aux Vies parallèles


doucereux. Quand de cette rhétorique il fut nommé à l’École Normale il fit naturellement sa dernière classe. La dernière classe, ce n’est pas seulement un conte de Daudet. Il faisait sa dernière classe, il allait faire son premier cours. Qui de nous n’a senti le frémissement de ce passage de l’enseignement secondaire à l’enseignement supérieur. Qui de nous ne se rappelle, comme élève, comme ancien élève, cet avènement de la dernière classe au premier cours. Nous croyions que l’enseignement supérieur était encore l’enseignement secondaire mais qu’il n’était plus secondaire. Nous croyions que c’était l’enseignement secondaire continué, accru, plus haut, plus grand, épuré, plus humain, plus mûr, plus homme. Ils se vantent assez que ce n’est pas cela. Et on nous fit assez voir que ce n’est pas cela. Mais si cet avènement, (et aussi cet achèvement, et cet exil, et ce jour de départ), est si saisissant pour un élève et pour un jeune homme, quel ne doit-il pas être pour le maître et pour l’homme, quand c’est vraiment la dernière fois que l’on fait de l’un et quand c’est vraiment pour la dernière fois que l’on entre dans l’autre, quand il ne s’agit plus de couper six ou sept ans de quatre ou cinq ans mais quinze ou vingt ans de vingt ou trente ans et quand un homme se dit : Je fais ceci pour la dernière fois ; et j’entre dans ceci qui sera ma résidence dernière. Il faut croire qu’il y a des hommes pour qui les âges n’existent pas, qui n’entendent pas couler le temps, succéder le jour, et pour qui ces nobles reposoirs d’une longue existence ne sont jamais que les marches d’un escalier. Ils gravissent toujours. Et jamais ils ne résident. Il faut avoir une nature bien ingrate, et une bien pauvre âme, (s’il est encore permis de se servir ici et

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