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Page:Cahiers de la Quinzaine, 4e série, n°5, 1902.djvu/110

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lecteurs accueilleraient sans doute fort mal une pareille publication, toute diffuse, toute folle et emportée. La douleur n’a qu’un cri : l’œuvre est une plainte sans cesse répétée. J’hésitais comme homme et comme écrivain.

Un jour, j’ai songé enfin que notre âge a besoin de leçons et que j’avais peut-être entre les mains la guérison de quelques cœurs endoloris. On veut que nous moralisions, nous les poètes et les romanciers. Je ne sais point monter en chaire, mais je possédais l’œuvre de sang et de larmes d’une pauvre âme, je pouvais à mon tour instruire et consoler. Les aveux de Claude avaient le suprême enseignement des sanglots, la morale haute et pure de la chute et de la rédemption.

Et j’ai vu alors que ces lettres étaient telles qu’elles devaient être. J’ignore encore aujourd’hui comment le public les acceptera, mais j’ai foi dans leur franchise, même dans leur emportement. Elles sont humaines.

Je me suis donc décidé, mes amis, à éditer ce livre. Je m’y suis décidé au nom de la vérité et du bien de tous. Puis, en dehors de la foule, je songeais à vous, il me plaisait de vous compter de nouveau la terrible histoire qui vous a déjà fait pleurer.

Cette histoire est nue et vraie jusqu’à la crudité. Les délicats se révolteront. Je n’ai pas pensé devoir retrancher une ligne, certain que ces pages sont l’expression complète d’un cœur dans lequel il y a plus de lumière que d’ombre.

Elles ont été écrites par un enfant nerveux et aimant qui s’est donné entier, avec les frissons de sa chair et les élans de son âme. Elles sont la manifestation maladive d’un tempérament particulier qui a l’âpre besoin du réel et les espérances menteuses et douces du rêve. Tout le livre est là, dans la lutte entre le songe et la réalité. Si les amours honteuses de Claude le font juger sévèrement, qu’on lui pardonne au dénoûment, lorsqu’il se relève plus jeune et plus fort, voyant jusqu’à Dieu.

Il y a du prêtre dans cet enfant. Il s’agenouillera peut-être un jour. Il cherche avec un désespoir immense une vérité qui le soutienne. Aujourd’hui, il nous conte sa jeunesse désolée, il nous montre ses plaies, il crie ce qu’il a souffert,