Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 1, 1912.djvu/10

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PROUDHON[1]


Depuis quelques années, une figure surgit de nouveau au grand jour de la pénombre où elle végéta un demi-siècle : c’est la figure de Proudhon, notre grand philosophe socialiste français. En janvier 1909, on célébra, de divers côtéa, son centenaire ; fédéralistes et décentralisateurs républicains, royalistes de l’Action Française, syndicalistes révolutionnaires, volontiers, se réclament de sa mémoire ; les politiciens eux-mêmes lui rendent leurs hommages, et si nous ne savions que l’hypocrisie est l’hommage classique que le vice rend à la vertu, nous pourrions même nous en scandaliser ; mais… passons, et réservons-nous pour des adversaires que nous puissions ne pas trop mépriser. Il n’y a, pour continuer à bouder son souvenir, que l’Église marxiste orthodoxe, à qui sans doute cette remontée de Proudhon semble un affront particulier fait à son dieu, l’auteur de cette Misère de la philosophie où l’on ne sait ce qu’il faut admirer le plus, de la légèreté du critique ou de sa mauvaise foi. Mais hâtons-nous de le dire, à la décharge de nos orthodoxes leur haine, comme toute haine d’ailleurs, est clairvoyante ; ils sentent bien, en effet, que si Proudhon remonte, c’est Marx qui… descend. Car, il n’y a pas à dire, ni à ergoter : la guerre de 1870 nous a valu une double défaite, une défaite matérielle et une défaite morale.

  1. Deuxième conférence du Cercle Proudhon, donnée le 10 janvier 1912.