tique et au sectaire. Tu es maîtresse de vérité ; tu sers de prudence au Génie ; et la Vertu, ô déesse, c’est encore toi ! »
J’ai reproduit cet éloge de l’ironie par Proudhon à l’adresse, ai-je dit, de nos romantiques germanisants. Remarquez, en effet, la différence profonde qu’il y a entre cette ironie, fille de la Liberté révolutionnaire, que célèbre Proudhon, et l’ironie d’un Renan, par exemple. D’où procède l’ironie d’un Renan ? Elle ne procède nullement de cet esprit de liberté, qui, en face de ses créations perpétuelles, n’éprouve qu’un dédain perpétuel, et qui, loin de tomber en admiration devant lui-même, se rit de lui-même, — elle procède d’un tout autre esprit, son principe n’est pas la liberté, mais l’égotisme romantique. C’est l’ironie du moi, qui, du haut de son soi-disant templum serenum, juge toutes choses vaines et dédaigne de s’y laisser prendre et duper ; vous comprenez : vu de Sirius… tout cela n’a pas beaucoup d’importance et que savons-nous même si la vertu n’est pas un leurre ? C’est l’ironie du moi, qui, dans son égotisme supérieur et transcendant, se gonflant aux limites de l’infini lui-même, trouve toutes choses finies misérables et indignes de retenir l’attention du sage ; et je dis que le principe de cette ironie est romantique, parce qu’il vient de l’orgueil démesuré de l’individu, qui, incapable de s’attacher à rien de fini, est détaché de tout a priori et s’isole dans la contemplation de son moi infini. Cette ironie ne préserve pas de l’adoration de soi-même, elle en procède ; elle en est intérieurement nourrie ; elle n’est qu’une forme de la délectation avec laquelle le moi se complaît en lui-même, délectation si voluptueuse qu’il reste son propre séducteur et son propre prisonnier. Aussi voyez le sourire, à l’avance sceptique et désabusé, qu’elle promène sur toutes cho-