A la suite du vieux croyant russe, quelques anarchistes emboîtèrent le pas — sans conviction. Ils durent jeter un voile pudique sur ce qu’ils appelaient les erreurs du maître. L’on conçoit assez, en effet, l’embarras de ces républicains intégraux, soucieux du développement intégral de l’individu, devant les pages où Proudhon a affirmé avec tant de vigueur et d’éloquence la « réalité de l’être social », qui est la résultante et non la somme des forces agglomérées.
Passons sous silence la mascarade officielle de Besançon, mais donnons aux républicains qui affectent quelque intérêt pour Proudhon le conseil de se montrer plus circonspects. Qu’ils se rappellent l’avertissement qu’un des leurs qui se piquait de connaître aussi Auguste Comte, le tonitruant Gambetta, donnait au jeune Hanotaux : « Lisez Proudhon ; mais prenez garde : il est plein de pièges ! »[1].
Ces pièges à républicains dont l’œuvre de Proudhon est toute parsemée, ces chausse-trapes semées sous les pas des démocrates de toute nature, et au milieu desquelles un professeur politicien de Sorbonne[2] manœuvrait avec tant de gaucherie, l’avant-dernier hiver, c’est un jeu de les énumérer ! Proudhon a bien pu dans ses œuvres de début se proclamer le fils de la Révolution et se réclamer des Girondins « fédéralistes » ; mais ces déclarations l’ont beaucoup gêné dans la suite et il les a amendées et redressées dans une mesure telle qu’on peut les considérer comme nulles et non avenues. Nul n’a instruit avec plus de rigueur le procès de la démocratie. Nul n’en a mieux dénoncé l’impuissance, l’imbécillité et la duperie, et des abondants griefs qu’il a relevés à sa charge, il n’en est point dont l’expérience