tique le bénéfice des justifications proudhonniennes. « Le peuple, écrivait-il dans les Annales de la jeunesse laïque (Janvier 1912) « le peuple est apte à s’occuper de questions très abstraites et générales, comme la politique et la philosophie. »
Pour la politique, il faut bien l’admettre si on est partisan du suffrage universel. Et quant à la philosophie, le grand écrivain que nos lecteurs connaissent bien,… notre compatriote P.-J. Proudhon s’est chargé de répondre aux aristocrates [les aristocrates, ce sont, selon M. Guy-Grand, ceux d’entre nous qui sont nationalistes intégraux]. Son livre principal, celui où il a mis le meilleur de lui-même, De la Justice dans la Révolution et dans l’Église, a, pour premier titre : « Essais d’une philosophie populaire. » Si nous feuilletons les paragraphes du « programme » préliminaire, nous trouvons des titres comme ceux-ci : § 1. Avènement du peuple à la philosophie ; § 5. Que la métaphysique est du ressort de l’instruction primaire ; § 6. Que la philosophie doit être essentiellement pratique. Et si nous nous mettons à lire, nous voyons à première page : Le peuple n’a jamais fait autre chose que prier et payer : nous croyons que le moment est venu de le faire philosophes.
Hélas ! tout le peuple n’est pas encore capable de comprendre entièrement la philosophie de l’auteur de la Justice, qui est souvent abstraite et ardue. Mais que l’on retienne l’idée fondamentale : l’avènement du peuple à la philosophie, c’est-à-dire à la culture.
Car, en définitive, tout est là : philosopher. C’est en philosophant que l’on est vraiment homme, au beau sens du mot.
Et voilà qui prouve que M. Guy-Grand est prodigieusement éloigné de l’esprit proudhonien. M. Guy-Grand croit-il que Proudhon appelle le peuple au noble exercice de la philosophie désintéressée, la contemplation des idées ? Ceux qui ont lu les ouvrages de M. Guy-Grand imaginent que leur auteur ne pense à transformer l’économie que pour permettre au peuple d’entrer dans ce monde d’élus que ses messieurs de la Sorbonne osent nommer représentants de l’intelligence. Mais philosopher, ici, selon Proudhon, ce n’est pas faire de la philosophie, ce n’est pas faire œuvre d’intellectuel, philosopher, c’est observer le monde où l’on vit, où l’on travaille, pour agir sur l’économie, pour se connaître des droits et les affirmer dans la cité ; ce n’est pas le couronnement de la vie ; c’en est le soubassement. Ce n’est pas une fin, c’est un moyen. Philosopher en vue de l’action, c’est le principe même des travaux du Cercle Proudhon.
Avec M. Guy-Grand, nous serions demeurés dans la discussion philosophique, et cela n’aurait guère servi les desseins des politiciens qu’a émus la fondation de notre cercle. M. le professeur Bouglé est arrivé à temps pour rabaisser le débat au ton de la politique radicale-socialiste. La sociologie sorbonnique ayant toutes les faveurs offi-