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« L’esthétique, dit-il à peu près, est une simple branche de l’éthique ». Il le prouve, en résolvant en ses éléments l’émotion artistique. Il y distingue d’abord une satisfaction procurée au goût qui échappe à toute analyse scientifique, ensuite une passion sensuelle, enfin le résultat moral de l’action qu’exerce l’œuvre d’art sur notre sensibilité. C’est ce dernier composant qui fait, pour Sorel, l’objet de l’esthétique. C’est en cherchant à le définir qu’il lui arrive de louer l’architecture d’être chaste et de se méfier de la musique qui « éteint la conscience et diminue la raison[1] ».

Cet élément moral de l’émotion artistique, néanmoins, ne serait-il pas réellement immoral ? Sorel, en se posant cette question, parvient à découvrir la valeur sociale de l’art.

Dans une importante étude[2], il retrace en quelques pages l’histoire de la technique artistique et l’interprète aussi. Par son commentaire, il arrive encore à découvrir dans le travail industriel la glorification de l’esprit humain créateur.

Cette habitude de juger les œuvres d’art en moraliste conduit Sorel à la solution d’un nouveau problème esthétique et sociologique à la fois : la valeur sociale de l’art[3].

L’histoire de l’art, selon lui, nous enseigne qu’à l’origine les artistes combinèrent dans les objets fabriqués l’utilité de l’emploi à l’agrément de la forme. Mais peu à peu l’artisan se sépara de l’artiste et l’art s’éloigna de l’industrie. De plus, les arts s’entr’aidaient volontiers

  1. Georges Sorel. La psychophysique et l’esthétique (R. philos.).
  2. Georges Sorel. La valeur sociale de l’art.
  3. Id., ibid.