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lables et que chaque groupement plus resserré des hommes qui souffrent fait faire un pas immense à leur marche vers la libération.

On devine en Georges Sorel, par les échantillons de sensibilité profonde que nous livre cette morale aventureuse, un antiintellectualiste décidé. Mais ne nous y trompons pas, c’est tout le contraire d’un romantique qui s’abandonne au sentiment par lassitude de la raison, c’est un critique des sciences qui sait la valeur et l’impuissance de leur méthode et qui veut, dans son intelligence du monde, donner une part à l’intuition.

M. Michel Darguenat, dans sa réponse à l’enquête de Georges Valois sur la monarchie et la classe ouvrière[1], a parfaitement défini les bienfaits de cette critique du « scientisme ». « Elle nous a démontré, dit-il à peu près, par des analyses qui n’étaient pas des arguments de séminaire que cette fameuse science substituée à la religion par le siècle de Comte, de Renan et de Taine, était partiellement construite par notre esprit et que les lois scientifiques les plus artificielles étaient précisément les fameux principes, dogmes de la religion nouvelle. L’école de M. Sorel a contribué à nous débarrasser des préjugés démocratiques : elle nous a rendu notre liberté, après nous avons fait de notre liberté ce que nous avons voulu. Ceci est notre affaire ».

Or, la critique dee sciences et l’antiintellectualisme qu’elle engendra chez Sorel ont fait de celui-ci un disciple de Bergson. Les disciples de Georges Sorel sont aussi des bergsoniens ; le plus connu d’entre eux, M. Edouard Berth, est un adepte enthousiaste de la philosophie intuitive. Antiintellectualisme et bergso-

  1. Georges Valois. La monarchie et la classe ouvrière, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1909.