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lettre de rené de marans

personnellement, n’ayant jamais eu grand besoin que l’on me rendît service à cet égard.

Si, malgré les scories dont son œuvre est pleine, si malgré l’exaspération légitime qu’il suscita à la fin de sa vie par certaines de ses thèses, le nom de Brunetière doit rester, malgré tout, un grand nom et un nom respecté, c’est parce qu’il a contribué à rendre l’assurance à la partie de la nation qui, par position, est la plus riche en réserves morales, parce qu’il l’a encouragée à avoir confiance dans ces réserves et à en faire usage. Or, je dis que certaines parties de l’œuvre de Sorel peuvent rendre les mêmes services et sans les mêmes inconvénients, parce que, lui, il ne pose pas au Père de l’Église et conserve une simple attitude critique.

J’ai sous les yeux ici un de ses plus anciens ouvrages que je connais depuis quelques jours à peine ; c’est l’Introduction à l’étude profane de la Bible. Il date de 1889. Je lis au début cette simple phrase : « Je crois avoir démontré que l’Évangile de Saint-Jean est le document le plus authentique que nous ayons sur Jésus-Christ. » C’est exactement le contre-pied de l’exégèse moderniste, puisque tous les efforts destructifs de celle-ci ont porté sur le quatrième Évangile.

Mais ce qui est beaucoup plus important encore, c’est l’attitude prise par Sorel dans sa petite brochure, la Crise de la pensée catholique. Il examine en spectateur les attaques dirigées contre l’Église et il constate que les coups n’ont point porté. Que peut-il être fait de mieux comme apologétique ? Il faut saluer en Sorel un grand apologiste du dehors.

Voilà une bien longue lettre, mon cher ami, et pourtant ce n’est qu’une partie de ce que j’avais à dire. L’œuvre de notre maître Sorel est immense et je souhaite de tout cœur que cette belle création du Cercle