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lettre de rené de marans

dans cette connaissance intime du mouvement ouvrier, je ne sais si cela est possible, mais cela n’est pas absolument nécessaire, il suffit de savoir comment le problème se pose et les fautes que l’on doit éviter.

Voilà ce que je dois essentiellement à Sorel ; mais ce n’est certes pas tout, et je tiens à faire remarquer les bienfaisants effets pour l’esprit que produisent même même de la pensée sorélienne, et ses contradictions qui parfois ne sont qu’apparentes. Ainsi le même homme qui a été si dur pour le réformisme, est peut-être celui qui a le plus contribué à faire comprendre l’œuvre de Bernstein ; le même homme qui a porté sur le modernisme des jugements plus sévères qu’aucun théologien orthodoxe est, en même temps, celui qui a porté sur la philosophie de l’assentiment de Newman les jugements les plus sympathiques et qui s’est rattaché expressément à la philosophie bergsonienne, que du dehors l’on liait étroitement au modernisme. Cet imprévu constant, dont je ne donne ici que des exemples assez grossiers, habitue l’esprit à ne point se contenter de vues extérieures et globales, aide à faire des distinctions nécessaires et produit à certaine égards les mêmes effets que produit l’usage d’une philosophie analytique.

Enfin je dois dire tout ce que la lecture de Sorel m’a donné de lumières sur certains aspects de la science juridique — il y aurait toute une étude à faire sur la philosophie du droit dans Sorel — sur les rapports de l’administration et de l’économie, sur la nature de la circulation et de la production. L’Introduction à l’Économie moderne est à cet égard d’une richesse inépuisable.

Il est un autre point de vue encore que je veux signaler quoiqu’il ne rentre pas dans l’objet des études du Cercle Proudhon et qu’il ne me concerne que fort peu