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ANALYSES ET CRITIQUES

QUELQUES JUGEMENTS DE PROUDHON

Pierre-Joseph Proudhon. Lettres inédites à Gustave Chaudey et à divers Comtois, réunies par Édouard Droz, professeur à l’Université de Besançon.

M. Édouard Droz est un proudhonien fervent que rien de ce qui touche la mémoire du grand socialiste bisontin ne laisse indifférent. Et si l’on peut trouver que la publication qu’il vient de faire de quelques lettres inédites de Proudhon n’ajoute rien à la compréhension de l’œuvre proudhonienne, nous pouvons néanmoins glaner dans ce petit supplément à la Correspondance (le chef-d’œuvre de Proudhon, selon Sainte-Beuve), quelques jugements qui ne pourront que confirmer dans leur appréciation ceux qui pensent quel magnifique critique littéraire Proudhon eût fait, s’il se fut adonné au genre où son ami Sainte-Beuve a excellé par des mérites d’ailleurs bien différents. Voici, par exemple, sur les Misérables (Lettre IX, du dimanche 13 août 1861). « … Est-ce que votre ami Ulbach n’a pas honte de prôner comme il fait les Misérables ? J’ai lu cela. C’est d’un bout à l’autre faux, outré, illogique, dénué de vraisemblance, dépourvu de sensibilité et de vrai sens moral ; des vulgarités, des turpitudes, des balourdises sur lesquelles l’auteur a étendu un style pourpre ; au total, un empoisonnement pour le public. Ces réclames monstres me donnent de la colère, et j’ai presque envie de me faire critique ». Et ceci sur Renan : « Un jour, on siffle Renan ; le lendemain, on l’accable de vivats. Et pourquoi ce revirement subit ? Parce que M. Renan, un peu empêtré de ses succès impériaux, a cru devoir se tirer d’affaire aux dépens de la divinité de J.-C. Pour entrer au Japon, les Hollandais étaient obligés, au siècle dernier, de marcher sur le crucifix. L’action leur paraissait indifférente : ils étaient protestants !… M. Renan a agi de même : je vous déclare que cet homme est pour moi jugé. Ne me parlez pas de ce mielleux renégat ; Renan, sans fortune, a profité pendant sept ans du haut enseignement clérical ; sept ans, il a porté l’habit ecclésiastique, mangeant le pain de l’Église, édifiant ses supérieurs par sa piété ; puis, tout à coup, après avoir reçu les ordres mineurs, se sentant assez fort, il plante là l’Église et vous voyez ce qu’il est devenu ! En 48 et 49, il a écrit dans la Liberté de penser, déclamant contre l’abaissement des caractères, puis, il a passé à la Revue des Deux-Mondes, puis aux Débats. Il a reçu de l’Empereur une mission