Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/35

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sement de cette double révolte essentielle, c’est, du côté des syndicalistes, une philosophie anarchiste, qui n’est que le dernier mot de la décadence bourgeoise étendue au monde ouvrier, et, du côté des nationalistes, un idéal trop paix sociale, trop rationaliste, trop lettrés (et !es lettrés, disait Renan, font peu de chose). N’eat-il pas singulier, par exemple, que les uns et les autres soient férus d’Anatole France, cet Alexandrin sceptique, ce libertin, ce rationaliste, dont l’œuvre est essentiellement dissolvante !

Le Cercle Proudhon a été fondé pour essayer de persuader aux uns que l’idéal syndical n’implique pas forcément l’abdication nationale et aux autres que l’idéal nationaliste ne comporte pas non plus nécessairement un programme de paix sociale. Car le jour où il y aura un réveil sérieux des sentiments guerriers et révolutionnaires et une remontée victorieuse des valeurs héroïques, nationales et ouvrières, ce jour-là, le règne de l’Or sera ébranlé, et nous cesserons d’être réduits au rôle infamant de « satellites de la Ploutocratie ».

Décembre 1912.

Jean Darville.

P. S. — J’ajouterai quelques mots à cet article, écrit il y a six mois. Depuis six mois, en effet, les choses se sont à la fois précisées et, si j’ose dire aussi, précipitées : nous avons eu l’élection de M. Poincaré à la présidence, le dépôt de la loi de trois ans et l’agitation autour de cette loi. Nous voici, à bien des égards, dans la même situation qu’en 1898 : mêmes hommes au pouvoir ; mêmes hommes dans l’opposition ; Clémenceau et Reinach te trouvent bien cette fois séparés de Jaurès, mais Clémenceau, s’il se déclare partisan des trois ans, a bien soin d’accentuer son anticléricalisme, et Rome est, de plus en plus, « l’unique objet de son ressentiment ». Quant à Reinach, il faut avouer que le voir patronner la loi de trois ans, à côté de Barthou et d’Étienne, cela suffirait, s’il n’y avait décidément pas un intérêt national majeur à sauvegarder, pour vous jeter dans l’opposition. Cette loi a des parrains inquiétants ! Il est vrai qu’elle a des