Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/98

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Poincaré ! Il crie : Vive l’armée ! et jamais, jamais : Vive la République !

Mais est-il vrai qu’il y ait chez nous trop de rationalisme, et que ce rationalisme puisse quelque jour nous entraver ? Non cher Darville, laissez-moi vous dire que je connais bien l’Action française et ses troupes : je puis vous assurer que jamais ce rationalisme que vous imaginez n’arrêtera notre élan. Oui, nous sommes rationalistes en ce sens que nous faisons un très large usage de notre raison, de notre intelligence pour démontrer la nécessité de la monarchie ou la nécessité de la patrie, — pour démontrer d’une manière générale que si l’élan, le sentiment qui nous pousse à l’action eat indispensable, il est non moins indispensable de savoir où il aboutira (je vous dirai très vulgairement : il faut savoir, avant de prendre son élan, où le saut va vous porter).

Mais, en même temps, nous sommes profondément traditionalistes et nous cultivons toutes les ressources que l’enthousiasme peut donner à l’homme. Nous exigeons simplement que cet enthousiasme soit éclairé, que l’esprit sache où il veut souffler… Si nous rendons justice à France, parce qu’il a sauvé la langue française au temps de la barbarie symboliste, ce n’est pas chez lui que nous allons chercher une philosophie. Peut-être avez-vous vu cette douce philosophie, alexandrine, amollissante, démoralisante, chez quelques jeunes lettrés qui, au café, trouvaient quelque élégance à dire leur sympathie éloignée pour l’Action française ? Ce sont des spectacles que l’on peut voir à l’une de nos frontières ; mais allez, je vous prie, au front : si vous aviez vu Plateau et Maxime Réal del Sarte au manège du Panthéon, Pimodan et Lacour place d’Italie, Barral et Lagrange rue Cujas, et cent autres avec eux, vous sauriez ce que pèse l’alexandrinisme à l’Action française, et vous sauriez ce que sont nos valeurs héroïques.

Il reste, dites-vous, que l’on n’a pas dénoncé assez vigoureusement la tactique gouvernementale contre le syndicalisme. Je pense que l’essentiel a été fait. Toutes les distinctions entre le patriotisme vrai et le patriotisme d’affaires ont été faites, et Maurras n’a pas manqué de signaler, en même temps que la Bataille, le caractère singulier de l’article de M. Tardieu à la Revue des Deux Mondes. Mais ces distinctions sont éparses dans des articles fournit pour une campagne de plusieurs mois. Peut-être aurait-on pu condenser toutes ces distinctions ? Mais vous-même, mon cher ami, et nos amis du Cercle, et moi-même ? Nous aurions dû protester au début de la campagne, et encore au moment de la comédie de répression qui a abouti à