Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/99

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l’arrestation de quelques douzaines de syndicalistes. Nous ne l’avons pas fait. Nous y avons bien pensé ; nous avons même préparé une protestation. Nous ne l’avons pas écrite. Pourquoi ? Parce que nous étions en pleine bataille, et parce que le temps manquait, et parce qu’il était prodigieusement difficile de nuancer nos élans de combat au point de serrer la main droite de nos adversaires et de leur tordre le poignet gauche. Le conflit éclatait brusquement. Il fallait prendre position rapidement contre le roi de Prusse et ses alliés de l’intérieur. C’est ce qui a été fait. C’est ce que tous nos amis du Cercle ont fait, parmi les premiers. Mais cela ne nous a pas empêché de dénoncer partout l’impuissance démocratique, l’impuissance du gouvernement et l’exploitation du patriotisme par les amis de Poincaré et de Barthou.

Aussi bien, les syndicalistes ne s’y sont pas trompés. Ils nous ont reconnus comme les vrais et seuls patriotes. Croyez bien que ceux qui parlent au nom du syndicalisme attaquent actuellement beaucoup plus le patriotisme vrai que le patriotisme d’affaires ; celui-ci, c’est le prétexte pour attaquer la Patrie. Mais je connais, nous connaissons, Darville, quelques gaillards qui trafiquent dans le syndicalisme et que le patriotisme d’affaires ne gêne en aucune manière parce qu’il s’accommoderait fort bien de leur syndicalisme d’affaires. Ce que ceux-là veulent atteindre, c’est le patriotisme vrai. Et c’est pourquoi ils nous ont désignés comme leurs ennemis. Et nous le sommes, au même titre que nous sommes les ennemis d’Étienne et des requins du patriotisme, parce que nous savons que les uns et les autres sont tout prêts à marcher ensemble à un nouveau Triomphe de la République contre nous. Nous n’avons là-dessus aucune illusion. Seulement nous pensons que l’on ne pourra pas nous escamoter comme l’on a escamoté la Patrie française au cours de la révolution dreyfusienne. La situation d’aujourd’hui n’est pas celle de 1898. En 1898, il y avait un patriotisme qui ne savait où il allait devant un gouvernement dont les principes étaient très fermes, et dont le jeu était de se taire lorsque les poussées rationalistes étaient un peu fortes. En 1913, il y a un patriotisme parfaitement conscient, parfaitement organisé, que guide l’Action française, qui a grandi lentement, s’est incorporé des éléments de premier ordre, et dont les doctrines occupent la première place de la vie politique. Devant elle, un gouvernement qui ne croit plus à lui-même, et qui est obligé de singer l’Action française pour tenir son rôle, un gouvernement dont les membres empruntent leurs plus fortes expressions au vocabulaire de l’Action française. Devant un tel spectacle, le peuple francais, qui