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Page:Cailhava de l’Estandoux - L’égoïsme, 1777.djvu/49

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COMÉDIE

CONSTANCE.

Dieux ! parles bas.

MARTON.

Dieux ! parles bas.Pourquoi ? Quand j’aime de bon cœur
Sans façon je l’avoue, & je m’en fais honneur.

CONSTANCE.

Tu plaisantes.

MARTON.

Tu plaisantes.Ma foi, non : plus d’enfantillage.
Ouvrez-moi votre cœur… Parlez… Cela soulage.

CONSTANCE, avec effusion de cœur.

Ah, je le sens !

MARTON, finement, & cherchant à lire dans son cœur.

Ah, je le sens ! Tant mieux. — Aimez vous Philemon ?
Votre œil se rembrunit ; j’y vois le dédain… Bon ! —
Quant au beau Chevalier ; oh ! c’est une autre affaire !
Convenez, entre-nous, qu’il est formé pour plaire.
Vous souriez ; bon signe. Il est intéressant :
Tout annonce chez lui le plus sincère amant.

CONSTANCE.

J’ignore si, pour lui, ma tendresse est extrême ;
Mais je sais qu’il m’est cher beaucoup plus que moi-même.
Ces grands mots : flâme, amour, qui, dans tous nos Romans,
Me paraissoient si bien rendre les sentimens ;
Comme ils me semblent froids ! À te parler sans feindre,
Ce que je sens, Marton, ils ne sauroient le peindre.
Le Chevalier me charme, & pourtant je le crains…
Plus que lui je ressens ses plaisirs, ses chagrins…
On diroit, tant mon âme à la sienne est unie,
Que nous n’en avons qu’une, & qu’une même vie.