Page:Cajot - Éloge de l’âne.djvu/25

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écoulés, qu’il voit terminer sa carrière ; tandis qu’un vil corbeau, un inutile financier, un dangereux procureur, vivent souvent près de cent ans. Ô nature ! nature ! réforme tes lois, mesure sur le mérite nos destinées, et les baudets seront immortels.

Plus je réfléchis sur la philosophie de l’âne, plus je reconnais qu’on a eu tort de blâmer Heinsius, d’avoir avancé que l’âne était le sage des Stoïciens. Rien ne le trouble, rien ne l’inquiète ; il ne se laisse ni éblouir par le faste, ni corrompre par le plaisir, ni abattre par la douleur. Accablé sous les fardeaux les plus pesants, roué de coups, il n’en est point ému. Il suit toujours sa route, en arrachant par-ci, par-là, quelques brins d’herbe qu’il mange fort tranquillement. N’est-ce pas là cette impassibilité, cette indifférence absolue, si recommandable chez les Stoïciens, et qu’ils n’ont jamais eu qu’en idée.

L’âne est aussi de la secte de Diogène le Cinique : il vit au jour la journée, sans s’embarrasser du lendemain. Avoine,