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Page:Cajot - Éloge de l’âne.djvu/26

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foin, chardon, il mange ce qu’on lui donne, ce qu’il trouve ; tout est bon pour lui : l’appétit assaisonne ses mets. Il n’a besoin de personne ; il ne demande jamais rien : c’est le moins incommode de tous les animaux. C’est aussi celui qui se gêne le moins ; quand le plaisir l’appelle, en quelque lieu qu’il soit, il déclare ses feux, il satisfait ses désirs.

Non, non, jamais Diogène n’a connu cette indépendance générale de l’esprit et du corps. Épicure, lui-même, ce partisan zélé de la pure volupté, ni aucun de ses sectateurs, n’a connu aussi parfaitement que l’âne, cette tranquillité d’ame, cette douce quiétude si vantée dans leurs écrits. Malgré leurs efforts pour bannir de leur cœur, les préjugés de l’éducation, ces soi-disants Philosophes payèrent tous le tribut à la frugalité humaine. Une cruelle incertitude les accompagna jusqu’au tombeau : ils vécurent dans la crainte, ils moururent dans le désespoir.