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LE MÉDECIN DE SON HONNEUR.

don diègue.

Il y a de la musique dans cette rue.

le roi.

Allons un peu de son côté ; peut-être qu’elle me calmera. Il n’y a pas de meilleur remède contre la tristesse que la musique. — C’est le prélude d’une romance. Écoutons.

une voix, chantant.

L’infant don Henri de Camille
A pris tantôt congé du roi,
Et vient de sortir de Séville ;
Mais personne ne sait pourquoi.

le roi.

Qu’est-ce donc qu’ils chantent la, ces misérables ? — Don Diègue, courez, vous, par cette rue, tandis que j’irai de ce côté. Il ne faut pas que l’insolent nous échappe.

Ils sortent.

Scène V.

Une chambre.
Entrent DON GUTIERRE et un CHIRURGIEN ; ce dernier a un bandeau sur les yeux.
don gutierre.

Entre, Ludovico, ne erains rien. Il est temps que je t’ôte ce bandeau.

Il lui ôte le bandeau.
le chirurgien.

Dieu me protège !

don gutierre.

Que rien de ce que tu vas voir ne t’étonne.

le chirurgien.

Que me voulez-vous donc, seigneur ? — vous m’avez tiré de ma maison au milieu de la nuit. À peine avons-nous été dans la rue, que vous m’avez mis un poignard sur le cœur et que vous m’avez commandé de me laisser bander les yeux. J’ai cédé sans résistance. Puis vous m’avez dit de ne point me découvrir, qu’il y allait de ma vie. J’ai marché au moins une heure avec vous, en faisant mille détours, sans savoir où vous me conduisiez. — Je croyais que là finiraient mes surprises, et voilà qu’une émotion nouvelle et plus vive me saisit en me voyant dans une maison si riche, inhabitée, et en voyant que vous, enveloppé de votre manteau jusqu’aux yeux, vous vous tenez immobile devant moi. — Que me voulez-vous donc, seigneur ?

don gutierre.

Attends-moi là un instant.

Il sort.