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LA DÉVOTION À LA CROIX.

sein une âme qui vous adore, versez un sang qui est à vous… et si vous refusez de me donner la mort, je vais appeler votre père pour qu’il se venge, je vais lui dire que je suis ici.

julia.

Arrêtez, Eusebio, arrêtez ! et si vous m’aimez, ayez égard à ma prière et faites ce que je vais vous dire.

eusebio.

J’y consens. Qu’est-ce donc ?

julia.

Eh bien ! retirez-vous en un lieu où vous puissiez protéger votre vie, et là, entourez-vous de gens qui vous défendent.

eusebio.

Mieux vaut pour moi mourir ! car tant que je vivrai je vous aimerai, et, songez-y bien, fussiez-vous enfermée dans les murs d’un cloître, vous ne pourrez vous soustraire à mes poursuites.

julia.

Prenez-y garde, je saurai me défendre.

eusebio.

Me permettez-vous de revenir ?

julia.

Non !

eusebio.

N’en est-il aucun moyen ?

julia.

Ne l’espérez pas.

eusebio.

Vous me haïssez donc ?

julia.

Je le devrais.

eusebio.

M’oublierez-vous ?

julia.

Je ne sais.

eusebio.

Vous reverrai-je ?

julia.

Jamais

eusebio.

Eh quoi ! ne comptez-vous pour rien notre amour passé ?

julia.

Eh quoi ! ne comptez-vous pour rien ce sang qui coule ? — Mais on vient, on ouvre !… Partez, partez, Eusebio !

eusebio.

Je pars pour vous obéir, mais je reviendrai.

julia.

Jamais ! jamais !

On entend du bruit. Ils sortent chacun par un côté différent. Entrent des valets qui emportent le corps.