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DE MAL EN PIS.

(PEOR ESTA QUE ESTABA.)



NOTICE.


Peor está que estaba, en français De mal en pis, est l’une des plus célèbres comédies de Calderon. Le titre nous en semble heureusement choisi. Il annonce qu’une fois l’intrigue nouée, la situation des divers acteurs va s’embarrasser, se compliquer, devenir pire, en un mot, à mesure que l’action avancera, jusqu’au dénouement ; et l’attente où l’on est de voir comment le poète sortira de ces difficultés est déjà par elle-même une sorte d’intérêt. C’est du moins le sentiment avec lequel nous avons abordé et poursuivi la lecture de Peor está que estaba.

Si l’on nous demandait de caractériser chacune des comédies de Calderon par les mérites qui lui sont le plus particuliers, nous dirions que, selon nous, ce qui distingue Peor está, etc., etc., des autres pièces d’intrigue du fécond dramatiste, c’est la verve et la réflexion. La verve, elle se montre à chaque instant dans le comique et la variété des situations. Depuis la scène qui termine la première journée jusqu’à celle qui précède le dénouement, — où la fille du gouverneur, surprise par don Juan dans la chambre qu’il a prêtée à son ami, l’accuse d’avoir lui-même donné là rendez-vous à une femme, — c’est une suite non interrompue de situations pleines de force comique et dont pas une ne ressemble à une autre. La réflexion, nous la trouvons, et même à un degré éminent, dans le soin avec lequel le poète a motivé, non seulement l’ensemble, mais jusqu’aux moindres incidens et aux moindres détails de son drame. À ne considérer la pièce que sous ce point de vue, il y a là un art qui révèle un grand maître.

La fille du gouverneur est une de ces femmes décidées, résolues, et, pour ainsi dire, amoureuses du péril, que Calderon se plaisait à peindre. Elle a, de plus, cette confiance en elle-même que donnent le bonheur et la fortune. Il est vrai que pour se tirer d’affaire elle ment deux ou trois fois avec une assurance qu’on pourrait appeler de l’effronterie ; mais observons à ce propos que souvent les héroïnes de la comédie espagnole, placées sous la surveillance redoutable d’un père ou d’un frère, et livrées à une passion qu’elles n’osent avouer, n’ont réellement d’autre ressource que le mensonge, et que chez un peuple sincère, mais passionné, un outrage à la vérité est, en pareille circonstance, légitimé par la passion. L’amour romanesque que la fille du gouverneur a conçu pour un homme qu’elle ne connaît pas, Calderon l’a justifié dès le commencement de la pièce avec beaucoup de finesse et d’esprit.

Il nous a paru, sauf erreur, que Calderon avait eu l’intention de faire de don Juan un personnage ridicule. Le rôle qu’il joue aurait pu jusqu’à un certain point autoriser notre opinion ; mais ce n’est pas de là qu’elle nous est venue : elle nous est venue de la prétention que nous avons cru remarquer dans