Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome I.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
JOURNÉE III, SCÈNE III.

gueur. On le peut, croyez-moi, et l’homme sage triomphe souvent de la destinée. Si donc vous n’avez pas ici toute la sécurité nécessaire, faites tout ce qu’il faut pour vous sauver.

astolfe.

Sire, Clotaldo vous parle tout à la fois avec la prudence de l’âge mûr et avec la résolution de la jeunesse. Dans le bois épais qui couvre cette partie de la montagne, est un cheval plus rapide que le vent ; montez-le et fuyez ; moi, pendant ce temps, je protégerai votre fuite.

le roi.

Si Dieu a décidé que je devais mourir aujourd’hui, et si la mort me cherche, je veux l’attendre ici et la voir face à face.


On sonne l’alarme, et entre SIGISMOND, à la tête de ses troupes.
un soldat.

C’est dans les détours de la montagne et parmi les hautes bruyères que le roi s’est caché.

sigismond.

Suivez-le, et fouillez le bois avec soin, en regardant tous les arbres.

clotaldo.

Fuyez, seigneur !

le roi.

Pourquoi ?

astolfe.

Quelle est votre intention ?

le roi.

Laissez-moi, Astolfe.

clotaldo.

Que voulez-vous ?

le roi.

Je veux recourir au seul moyen de salut qui me reste. (Il s’avance vers Sigismond et s’agenouille.) Me voilà, prince, à vos pieds, que je couvre de mes cheveux blancs. Prenez ma couronne, prenez mon rang et mes titres, traitez-moi en captif ; qu’enfin, par ma disgrâce, la prédiction du destin et la volonté du ciel s’accomplisse.

sigismond.

Nobles hommes de Pologne, qui voyez avec étonnement ces événements merveilleux, faites silence, écoutez votre prince : — Ce que Dieu a déterminé dans ses conseils, ce qu’il a écrit de son doigt sur les tables azurées du ciel, ce qu’il a annoncé dans ce livre magnifique au moyen des astres et des étoiles qui en sont les lettres d’or, — ne ment et ne trompe jamais ; celui qui ment, celui qui trompe, c’est celui qui les étudie dans de mauvais desseins et qui prétend les expliquer. Mon père, ici présent, par crainte de mon mauvais