à cette admiration insensée, voici que le véritable soleil paraît à l’horizon ; aussitôt, dédaigneusement il détourne les yeux de dessus cette étoile qui l’avait charmé d’abord, et, ravi, il contemple avec respect et joie le nouvel astre qui se lève. Ainsi de moi, Laura. Long-temps, comme un autre aveugle, j’ai vécu dans une ignorance profonde de l’amour, et je tâchais d’imaginer ce que l’amour pouvait être. Un instant Nice a trompé mon cœur ; mais, hélas ! bientôt je vous ai vue, et j’ai connu dès lors que vous seule, Laura, vous étiez le soleil, — le vrai soleil d’amour !
Vous ne dites pas ce que vous pensez, seigneur,
Si fait, je vous assure.
Non pas ; car, tout au contraire, votre soleil n’a été Nice, et je ne suis, moi, que son étoile. La preuve en est que vous êtes venu pendant la nuit sous mes fenêtres, tandis que vous alliez de jour chez elle, et qu’on ne voit une étoile que la nuit, tandis qu’on voit de jour le soleil.
Vive Dieu ! Laura, je vous le répète, vous vous trompez. Le ciel me frappe de la foudre si j’ai eu un rendez-vous avec elle depuis que vous demeurez à Ocaña !… D’ailleurs, pour ne pas croire ce qu’elle dit de moi, ne devrait-il pas vous suffire de songer que c’est elle qui le dit ? N’est-ce pas, chez une femme, un manque de fierté qui la rend indigne de foi, que d’aller conter sa peine à celle qui cause sa jalousie ?
Je sais, à n’en pas douter, qu’elle m’a dit la vérité.
À quoi le savez-vous ?
À ma douleur.
Quelle douleur ?
La douleur qui s’est emparée de moi après que Nice m’a eu fait sa confidence ; et vous savez, don Félix, que le cœur est un astrologue qui devine toujours la vérité.
Vous avouez donc au moins que vous avez de la jalousie ?
Il n’est pas étonnant que j’avoue, puisque vous me mettez à la torture.
Écoutez, Laura.