Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome I.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
MAISON À DEUX PORTES.

laura.

Eh bien ! vous, demeurez ; car il y a de quoi se désespérer de trouver perfides ceux vers lesquels on venait avec amitié.

don félix.

Pour moi, je n’ai pas de reproches à me faire.

laura.

Si nous en sommes là-dessus, ni moi.

don félix.

Cependant j’ai vu un homme chez vous.

laura.

Et moi, chez vous, une femme.

don félix.

Vive Dieu ! si c’est là de l’amour !…

laura.

Si c’est là de l’amour, grand Dieu !

don félix et laura, ensemble.

Que le feu du ciel tombe sur l’amour[1] ! Amen, amen !



JOURNÉE TROISIÈME.


Scène I.

La maison de don Félix. Une chambre.
Entrent MARCELA et SILVIA.
silvia.

Vous avez montré là beaucoup d’audace.

marcela.

Lorsque, écoutant Laura, je me suis vue perdue, et qu’elle allait raconter ce qui s’était passe chez elle, j’ai pris soudain la résolution de couper court a son récit ; de là mon action si téméraire. Il est des circonstances où il faut risquer quelque chose, et même où il faut jouer le tout pour le tout.

silvia.

Vous avez raison, d’autant mieux que cela vous a réussi.

marcela.

Ce qui m’encouragea le plus, ce fut de voir que Lisardo attendait dehors ce qu’il adviendrait de sa dame enfermée. Je songeai d’ailleurs qu’au besoin, si j’étais découverte, j’aurais en lui quelqu’un pour me défendre. Enfin le succès a passé mon espoir ; car non seulement j’ai pu rentrer chez moi sans que don Félix m’ait reconnue

  1. Ces mots sont la traduction du proverbe espagnol : Fuego de Dios en el querer bien, textuellement cité par Calderon.