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JOURNÉE III, SCÈNE IV.

celia, ouvrant la porte.

Tst ! tst !

lisardo.

Adieu.

don félix.

Cette dame de ce matin

lisardo.

Adieu.

don félix.

Dites-moi auparavant. Cette dame…

celia.

Entrez donc vite.

lisardo, à don Félix.

Nous causerons plus tard.

Il sort. — Au moment où Lisardo entre dans la maison, don Félix se précipite pour le suivre ; Celia referme la porte promptement.
don félix.

Et pour m’achever, Celia m’a donné sur le visage avec la porte !

calabazas, à part.

Quoiqu’une porte soit de bois, on n’est pas déshonoré pour en recevoir un coup sur le visage, pourvu qu’elle ait une serrure. Le fer sauve l’honneur.

don félix.

Quelle suite d’aventures étranges !… et quelle incertitude cruelle que la mienne !… — Il vient chercher dans la maison de Laura la dame qui est sortie ce matin de ma chambre lorsque Laura y est entrée… Ce n’est donc pas elle !… — Mais alors quelle est-elle ?… — Ô insensé ! pourquoi ai-je dit a Marcela de ne venir ici que demain ? elle m’aurait instruit de tout. — Mais tandis que je suis là à rêver, mon infamie s’accomplit. — Il serait pourtant facile de savoir la vérité… C’est Laura, ou ce n’est pas Laura. Si ce n’est pas elle, qu’ai-je à perdre à sortir de cette anxiété mortelle ? et si c’est elle, qu’ai-je à perdre encore, puisqu’en la perdant je perds le bonheur et la vie ?… Jetons à bas cette porte ! — Mais non ; j’ai donné ma parole à Lisardo ; je lui ai promis de veiller sur lui, et je pourrais… — Eh ! qu’importe l’amitié, la loyauté, l’honneur !… Quand la jalousie commande, il n’y a plus rien au cœur d’un homme ; il n’y a plus ni amitié, ni loyauté, ni honneur !…

Il frappe à grands coups contre la porte comme pour la renverser. En même temps on entend dans le lointain frapper contre une autre porte.
calabazas.

Que faites-vous là, seigneur ?

don félix.

Il faut que je la tue.

calabazas.

Modérez-vous, si c’est possible.