Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
LE PIRE N’EST PAS TOUJOURS CERTAIN.

l’intention où il est de se séparer d’elle, malgré la passion qu’elle lui inspire. « Car, dit-il, celui-là est un homme sans délicatesse, celui-là est un insensé, un lâche, un misérable, un infâme, qui, abandonné à ses appétits sensuels, à ses désirs brutaux, se contente en amour de l’accessoire après avoir perdu le principal.»

Que es hombre bajo, que es necio,
Es vil, es ruin, es infame,
El que solamente atento
A lo irracional del gusto
Y á lo bruto del deseo,
Viendo perdido lo mas,
Se contenta con lo menos.

Jamais l’amour n’a parlé sur le théâtre un langage plus élevé.

Peut-être une critique sévère trouverait-elle quelques défauts à relever dans cette comédie. Don Carlos ne demeure-t-il pas trop long-temps caché ? Léonor n’est-elle point placée dans une position trop inférieure auprès de Béatrix ? Calderon n’a-t-il pas un peu allongé quelques récits, et cédé une ou deux fois au désir de montrer ou son esprit, ou son talent de versificateur ? Cela est possible. Mais, comme dit Voltaire :

Quelques ombres, quelques défauts
Ne déparent point une belle.

No siempre lo peor es cierto a été imité par Scarron, qui a assez bien intitulé son imitation, la Fausse apparence. Malheureusement dans cette imitation il n’y a guère à louer que le titre. Des ouvrages espagnols dont il s’inspirait, le spirituel et joyeux cul-de-jatte n’a su reproduire que la partie burlesque. Quant à la grâce, à l’élégance, à la finesse distinguée, je ne sais vraiment ce que tout cela devient entre ses mains. Ce qui ne l’empêchait pas de croire bravement qu’il embellissait les inventions de ses modèles.