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JOURNÉE II, SCÈNE III.

tristan.

Parce que cette porte est pour moi maudite, et qu’en laissant passer pour vous une centaine de cadeaux, elle laissera entrer pour moi cent coups de bâton.

don félix.

Allons, va voir ; pas de folies !

tristan.

Madame la muette, attendez un peu.

Il sort.
don césar.

Ce sont deux dames habillées à l’espagnole et voilées.

don félix.

Ce sont probablement celles dont je vous ai parlé.

don césar.

Je vais attendre d’un autre côté pour ne pas les gêner.

Il sort.
don félix.

Je vais fermer la porte qui donne dans cet appartement, de peur que Flora, Libia ou quelque autre suivante ne vienne à savoir qu’il est entré ici des femmes voilées.


Entrent DOÑA SERAFINA et FLORA, voilées.
doña serafina.

Bien que j’aie eu aujourd’hui de vos nouvelles, passant par hasard dans votre rue, j’ai désiré voir par moi-même comment vous alliez, et je suis montée.

don félix.

Je vous remercie de cette double attention, avec la reconnaissance que je dois à une bienveillance aussi aimable.

doña serafina.

Je vous dois plus que vous ne pensez, don César, et je ne m’acquitte pas envers vous.

don félix.

Vous ne me devez rien, madame ; car un homme est obligé de risquer sa vie pour une dame, et ne doit en attendre aucune reconnaissance, car c’est pour lui-même qu’il travaille.

doña serafina.

Je ne me rends pas à votre avis ; car en admettant que vous ayez travaillé pour vous, c’est moi qui en ai recueilli le bénéfice, et je ne dois pas considérer les motifs de votre conduite, mais l’avantage que j’en ai retiré.

don félix.

Pourquoi vous voilez-vous ainsi le visage, madame ? est-ce que vous avez peur qu’on vous voie ?

doña serafina.

On ne pouvait me demander plus galamment si je suis laide.