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NOTICE.

dans A secreto agravio, Calderon a eu le bon esprit d’établir entre l’amant et l’épouse une liaison préexistante au mariage.

Quoique le caractère du roi don Sebastien ne soit ici qu’accessoire, Calderon l’a esquissé avec beaucoup de fidélité. C’est bien là le prince administrateur infatigable, le capitaine aventureux qui s’était proposé Alexandre pour modèle. Rien de plus conséquent que l’admiration qu’il donne à la conduite de don Lope : il appartenait à un prince qui, né avec des passions violentes, était demeuré chaste toute sa vie, d’applaudir à la vengeance d’un mari outragé.

On sera choqué probablement de la douleur que montre don Lope sur la perte de la femme qu’il vient d’assassiner. Mais d’abord, il nous semble à nous que cette douleur n’est pas complètement jouée. Ensuite le peuple auquel s’adressait notre poète devait aimer dans cette hypocrisie, tout sincère qu’il était, l’empire de la volonté sur le sentiment et une sorte d’hommage à l’honneur. Au reste, ce qu’il y a de curieux, c’est que dans la plupart de ses Autos Calderon prêche le mépris de cet honneur auquel il a consacré ses drames profanes ; et Lope de Vega, qui s’en était inspiré également, a écrit contre lui ces paroles éloquentes : « Honneur ! honneur ! maudit sois-tu. Détestable invention des hommes, tu renverses les lois de la nature ! Malheur sur celui qui t’inventa ! » Mais quand les deux grands poètes se révoltaient ainsi contre l’honneur, ils cessaient d’être Espagnols, ils étaient seulement chrétiens.