Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
À OUTRAGE SECRET VENGEANCE SECRÈTE

de fleurs, où le printemps a convoqué sa cour ; reposez-vous là quelques instans en attendant l’arrivée de don Lope, votre heureux époux, — et chassez loin de vous cette affliction. Je la conçois bien d’ailleurs, la vue du Portugal vous fait ressouvenir que vous avez quitté la Castille.

léonor.

Illustre don Bernard d’Almeyda, mon affliction, soyez-en persuadé, ne procède pas d’ingratitude… Je sens aussi vivement que je le dois l’honneur que mon sort m’a procuré… mais, vous le savez… il y a souvent des larmes qui viennent de la joie.

don bernard.

Vous vous excusez, madame, d’une manière si flatteuse, que, ne serait-ce que pour cette excuse, je vous serais reconnaissant de votre faute, si c’en est une de pleurer… Je vous laisse un moment, afin que vous soyez plus libre de vous distraire de cette mélancolie. Asseyez-vous là, vous serez à l’abri de cet ardent soleil. Que le ciel vous garde !

Il sort.
léonor.

Il s’en est allé, Syrène ?

syrène.

Oui, madame.

léonor.

Personne ne nous écoute ?

syrène.

Nous sommes seules.

léonor.

Alors que ma douleur s’échappe en liberté hors de mon sein ; que mes peines cruelles s’exhalent de mon âme qu’elles tuent, et que mes larmes éteignent, s’il est possible, le feu dévorant qui me consume.

syrène.

Que dites-vous là, madame ?

léonor.

Laisse-moi, Syrène.

syrène.

Songez au péril, à l’honneur.

léonor.

Comment ! toi qui connais mon chagrin, c’est toi qui me réprimandes de la sorte, c’est toi qui me reproches mes pleurs, c’est toi qui me conseilles de me taire !

syrène.

J’écoute votre inutile plainte, et…

léonor.

Ah ! Syrène, quand donc une plainte est-elle inutile ? Lorsqu’un oiseau timide, enlevé de son nid par une main impitoyable, a été