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AIMER APRÈS LA MORT.

une voix.

En vain dans un triste esclavage
L’Africain languit maintenant
Et pleure sa grandeur passée :
Si telle est la volonté d’Allah…

tous.

Vive sa loi !

une voix.

Vive le beau souvenir
De cet exploit glorieux
Par lequel jadis à nos aïeux
L’Espagne entière fut soumise.

tous.

Vive sa loi !

une voix.

Vive Xarife et Muza
Et leur immortelle victoire !
Jamais ceux de qui nous descendons
Ne furent mieux protégés par Allah.

tous.

Vive sa loi !

On frappe rudement à la porte.
cadi.

Qu’est-ce donc ?

un morisque.

On brise les portes.

cadi.

On veut sans doute nous surprendre dans nos assemblées. Comme le roi les a défendues par édit, la justice, en voyant entrer tant de Morisques dans cette maison, aura soupçonné quelque chose, et vient faire des recherches.

alcouzcouz.

Eh bien ! nous décamper.

un morisque.

Pourquoi tarder d’ouvrir, lorsqu’on frappe avec tant de violence ?

alcouzcouz.

« Il ne faut pas ouvrir sa porte à qui l’on n’ouvre pas son cœur[1]. »

un morisque.

Que faire ?

cadi.

Il faudrait, avant d’ouvrir, cacher tous les instrumens, et ensuite nous dirions que vous êtes venus me voir.

un morisque.

Voilà qui est bien imaginé.

cadi.

Dissimulons. — Eh bien ! Alcouzcouz, qu’attends-tu ? Va donc ouvrir.

  1. Refrain d’une ancienne chanson.