Attends-moi un moment. Il faut que je prenne ma pitance au corps de garde, où je l’ai laissée en allant faire ma faction. Je retourne la prendre ; je l’emporterai dans un bissac, et afin qu’il n’y ait pas de retard, je mangerai chemin faisant.
Comme il vous plaira.
Marchons.
Saint Mahomet, toi être mon prophète, et si toi bien inspirer Alcouzcouz, Alcouzcouz aller vers toi à la Mecque.
Scène II.
Sur le penchant de cette colline où la nature semble avoir réuni toutes les fleurs, afin qu’elles reconnaissent toutes la souveraineté de la rose, sur ces gazons verdoyans, ô mon épouse chérie ! tu peux t’asseoir un instant. (Aux Musiciens.) Vous autres, chantez ; voyons si la musique ne vaincra pas sa mélancolie.
Vaillant Aben Huméya, dont le noble courage se verra bientôt couronné non pas seulement du chêne de l’Alpujarra, mais des lauriers ingrats qui ne croissent que dans la plaine, et qui bientôt dois soumettre à leur tour les Espagnols, ma mélancolie continuelle n’est point le mépris du bonheur que m’offrent ta grandeur et ton amour. C’est une disgrâce, une punition du destin : car la fortune est si capricieuse et si cruelle, qu’elle ne nous accorde jamais un bien sans nous en faire payer le prix par quelque mal. Oui, crois-le, mon chagrin n’a point d’autre motif. (À part.) Plût au ciel que ce fût la vérité ! (Haut.) Et puisque le sort ne m’a envoyé cette mélancolie que pour me punir de mon bonheur, sans doute je ne cesserai jamais de l’éprouver, puisque je ne cesserai jamais d’être heureuse auprès de toi.
Si telle est, en effet, la cause de ta tristesse, je ne pourrai jamais te consoler, ô ma chère Lidora ! au contraire, ta tristesse croîtra chaque jour, car chaque jour verra croître ta puissance et mon amour. (Aux Musiciens.) Allons, chantez ; célébrez sa beauté. La mélancolie et la musique furent de tous temps amies.
Ô mon bonheur ! ô ma joie !
Ne dites pas à qui vous êtes