Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
AIMER APRÈS LA MORT.

don lope.

Que voulez-vous ? il n’y a rien là d’extraordinaire. Tous ceux qui vous regardent font de même.

Don Juan et don Lope sortent.
don alvar.

Je demeure interdit et muet.

alcouzcouz.

Être seuls, nous, à présent, seigneur ; et vous dire à moi pourquoi vous descendre de l’Alpujarra et venir ici.

don alvar.

Tu le sauras bientôt.

alcouzcouz.

Moi savoir déjà que vous être ici, et en savoir assez pour me repentir de vous avoir suivi.

don alvar.

Et pourquoi ?

alcouzcouz.

Vous écouter, moi parler. Moi avoir été ici l’esclave d’un soldat espagnol, et si lui me voir, lui me tuer.

don alvar.

Comment te reconnaîtrait-il ? déguisés comme nous le sommes, et sous ce costume, nous pouvons traverser le camp sans exciter le moindre soupçon. Ils nous prendront pour deux des leurs, puisque nous n’avons plus rien de morisque.

alcouzcouz.

Oui, toi qui bien parler la langue, toi qui n’avoir pas été pris, pouvoir passer pour Espagnol. Mais moi qui mal prononcer, moi qui avoir été captif, moi qui savoir pas porter le costume, comment éviter le châtiment ?

don alvar.

En ne parlant qu’à moi. D’ailleurs personne ne fera attention à un domestique.

alcouzcouz.

Et si quelqu’un demander à moi quelque chose ?

don alvar.

Ne réponds pas.

alcouzcouz.

Moi pouvoir pas ne pas répondre.

don alvar.

Aie toujours présent à l’esprit le danger que tu cours.

alcouzcouz.

Mahomet seul pouvoir faire un muet d’un bavard comme moi.

don alvar.

Oui, je n’en puis douter, on m’accusera de folie, moi qui, adorateur idolâtre d’un astre pour toujours éclipsé, viens chercher au milieu de trente mille hommes un soldat que je ne connais pas, et