Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
JOURNÉE I, SCÈNE IV.

béatrix.

Alors vous n’êtes pas ce cavalier qui, changeant en procès criminel l’affaire civile qui l’avait appelé à Madrid, avez si bien poursuivi les audiences, qu’un juge à longue robe, — mais ce n’était pas un homme, — vous a condamné à mort : sentence cruelle dont certain rival à vous a été l’exécuteur.

ginès, bas, à don Diègue.

Comment l’a-t-elle pu savoir ? Nous voilà dans de beaux draps !

don diègue, à part.

Je suis perdu !

ginès, bas, à don Diègue.

Pourquoi me regardez-vous ainsi ? Je n’ai pas dit un seul mot.

don diègue, de même.

Qu’ai-je entendu ?

ginès, de même.

Ça ressemble à votre aventure.

béatrix.

Tout se sait, don Diègue. Et puisque vous connaissez les motifs que j’ai d’être offensée de la conduite d’un perfide et d’un traître qui veut me faire passer ses outrages pour des galanteries, ne me revoyez jamais, entendez-vous ? sans quoi vous apprendriez encore à vos dépens, qu’à Valence comme à Madrid il y a telle dame qui peut se venger d’un amant déloyal et sans foi.

don diègue.

Songez, Béatrix…

béatrix.

Seigneur don Diègue, songez vous-même qu’il est tard ; et il ne faut pas que la peine me coûte aujourd’hui plus que ne me coûtais jadis le plaisir de vous voir. Donc, adieu.

don diègue.

Jusqu’à ce que vous soyez détrompée.

don juan, du dehors.

Pourquoi n’y a-t-il point ici de lumière ?

béatrix.

Grand Dieu ! c’est mon frère !

ginès, à part.

Son frère ? Comment l’a-t-il pu savoir ?


Entre INÈS.
inès.

Madame, voici monseigneur qui arrive.

don diègue.

Que faire ?

béatrix.

Je ne sais.

inès.

J’y suis !… Entrez avec Ginès dans cette salle ; vous y resterez cachés jusqu’à ce que vous puissiez sortir.