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LE PIRE N’EST PAS TOUJOURS CERTAIN.

béatrix.

Infortunée que je suis !

inès.

Entrez vite.

ginès, à part.

Pour mart, je m’abonnerais volontiers à deux cents coups de bâton.

Don Diègue et Ginès se cachent.
béatrix.

Ferme bien la porte, afin qu’on ne puisse pas les voir.

inès.

Elle est fermée dans la perfection.

don juan, du dehors.

Il est singulier qu’à la nuit la maison ne soit pas encore éclairée.


Entrent DON JUAN et DON CARLOS. LÉONOR entre d’un autre côté avec des flambeaux.
léonor.

Voici de la lumière.

don carlos, à part.

En voyant Léonor porter des flambeaux, la lumière m’a aveuglé. (À Béatrix.) Permettez, ma cousine, que je baise votre main, si je ne suis pas trop indigne d’une telle faveur, (À part.) Ah ! Léonor, toi, dans cet état !

béatrix.

Vous avez beau vouloir me calmer avec des politesses, vous ne réussirez pas, don Carlos, à me faire oublier que vous n’avez point daigné descendre dans notre maison.

don carlos.

Déjà, madame, je me suis justifié auprès de don Juan ; et il voudra bien à son tour m’excuser auprès de vous. Mais si je n’ai pas l’honneur d’habiter votre maison, croyez-le, madame, j’y serai par la pensée, et vous y aurez, pour vous servir, mon âme et ma vie.

don juan.

J’ai déjà dit à ma sœur les motifs que vous avez pour ne pas honorer plus long-temps notre retraite de votre présence.

béatrix.

Puisque notre bonheur doit être si court, je dois me presser de vous servir de mon mieux. Mais vous n’êtes pas bien ici ; veuillez passer dans mon appartement. — Isabelle, éclairez à mon cousin. (À part.) Ô ciel ! aie pitié de moi !

Elle sort avec Inès.
léonor.

Seigneur don Carlos, puisqu’il faut aujourd’hui que je vous serve, c’est pour moi le plus doux plaisir.

don carlos.

Ah ! Léonor, bien que j’aie à me plaindre de vous, je voudrais vous laisser dans une situation plus brillante !