ai accordé un asile où vous fussiez à l’abri des rigueurs du sort, je n’aurais pas cru qu’un jour vous dussiez payer mes bontés de tant d’ingratitude ? Pourquoi, après avoir excité ma compassion sous un nom emprunté, m’offensez-vous comme cavalier ? Pourquoi, aimant l’Infante, vous êtes-vous joué de moi ? Je sais qu’elle est tout à la fois le soleil et la mer, le printemps et le ciel ; mais ce n’était pas une raison pour vous conduire aussi mal à mon égard… Mais, sachez-le du moins, je me vengerai de ces indignités, je me vengerai avec éclat. Le roi saura ce qui se passe !
Charmante Hélène, daignez m’entendre.
Comment osez-vous prononcer mon nom ?… Ne craignez-vous pas qu’il blesse votre bouche ? N’avez-vous pas peur d’affliger l’Infante ?
Daignez m’entendre, madame, au nom du ciel ; et ensuite ordonnez de moi ce que vous voudrez ; je mets à vos pieds mon honneur et ma vie ! — Je suis un cavalier de la suite du prince Frédéric, qui est venu ici dans l’espoir de se faire aimer de l’Infante. Lorsqu’il fut arrêté, je parvins à m’échapper, en laissant mes vêtemens dans la forêt ; vous pouvez vous le rappeler, le jour où je me présentai devant vous, ce fut le jour même de son arrestation. Depuis, vous l’avez remis en mes mains. Et permettez-moi de le dire, car cela vous prouve ma fidélité et mon dévouement, — bien qu’il soit mon maître et mon prince, je l’ai gardé avec un soin sans égal, veillant à ce qu’il ne s’éloignât jamais de moi. Enfin je l’ai gardé comme si moi-même j’eusse été avec lui prisonnier. — Si donc j’ai rempli mon devoir en serviteur loyal et fidèle, de quoi pouvez-vous vous plaindre ? et si je ne vous rends point d’hommage, ne suis-je pas pour vous un pauvre marchand ? — Quoi qu’il en soit, je vous ai voué au fond du cœur une reconnaissance infinie de vos bontés ; mais je ne puis pas vous la témoigner, lorsque je me donne pour le prince de Mantoue et l’adorateur de Marguerite.
Ce que vous dites là ne saurait vous justifier ; car enfin vous avez manqué de franchise à mon égard, — vous m’avez trompée.
De grâce, Hélène…
Ne m’appelez pas par mon nom.
Hélas ! voici le roi. Songez-y bien, si vous dites un mot, je suis mort.
Eh bien ! que la jalousie tue celui qui fait mourir de jalousie !