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LE PIRE N’EST PAS TOUJOURS CERTAIN.

don juan.

On n’entend plus que des sanglots et des gémissemens. Attendez-moi, don Carlos… je la porte dans l’appartement de ma sœur, et je reviens.

don carlos.

Oui, allez, don Juan. Qu’on lui prodigue tous les soins… Mais non, qu’on la laisse mourir, puisqu’elle ne reviendrait à la vie que pour en aimer un autre.

don juan.

Attendez-moi… Nous verrons ensuite tous deux ce qu’il faut faire.

Il sort en emportant Léonor.
don carlos.

Malédiction sur un dévouement si lâche, une passion si vile, un amour si esclave !… Plus on m’offense, plus j’aime ; plus on m’outrage, plus j’ai de tendresse ; plus on me trahit, plus j’ai de confiance !… Mais de quoi m’étonné-je ? il ne peut point dire qu’il aime véritablement celui qui n’aime pas jusqu’aux défauts de l’objet aimé.



JOURNÉE TROISIÈME.


Scène I.

Le salon de don Juan.
Entrent DON CARLOS et DON JUAN.
don carlos.

Eh bien, a-t-elle repris ses sens ?

don juan.

Oui, mais de telle façon qu’il eût mieux valu, selon moi, qu’elle ne fût jamais revenue à elle.

don carlos.

Que voulez-vous dire ?

don juan.

Au moment où elle a recouvré connaissance, sa douleur a été si vive, qu’il semble qu’elle ait à la fois repris ses sens et perdu la raison… tant ses discours, sa conduite annoncent de trouble et d’égarement.

don carlos.

Que dit-elle ?

don juan.

Qu’elle est bien malheureuse… Mais en même temps elle paraît occupée d’autres pensées.