Est-il possible que dans un jour de réjouissance générale, vous ne vouliez ni vous faire voir ni voir les autres !
S’il n’y avait à cela aucun inconvénient, je ne suis pas encore assez vieille que je ne pusse m’amuser de ces fêtes qui égaient Milan en ce jour ; et surtout à cette heure que les illuminations au milieu de la nuit ajoutent je ne sais quel charme aux danses et à la musique.
C’est que vous êtes d’humeur mélancolique, sans quoi vous n’y verriez pas d’inconvénient.
Tu sais bien le contraire ; mais tu fais semblant de ne pas le savoir. Je dois donc te le rappeler. Il y a dans ma rue, déguisé, un cavalier qui est arrivé ces jours-ci à Milan, à la suite du prince d’Urbin ; et comme il s’est déclaré avec moi, je ne veux pas qu’il s’imagine que c’est pour lui que je me mets à la fenêtre, car il m’ennuie avec ses prétentions.
C’est peut être un autre cavalier, également déguise, que vous aurez pris pour lui.
Cela n’est guère possible.
Un comte étranger rendait des soins à une dame du palais, et quand le soleil disparaissait de l’horizon, il allait se coucher, laissant sur la terrasse un sien esclave qui avait son manteau et ses plumes. Or, un jour qu’il pleuvait et neigeait, la dame, voulant lui accorder une faveur, souleva la jalousie, et lui dit d’une petite voix de fausset : « Allez vous-en, comte ! » À quoi le More répondit : « Ce n’être pas le comte, moi être Hamet[1]. » Et ainsi, madame, il peut bien se faire que l’individu masqué que vous avez vu, soit Hamet et non le comte.
Tu as toujours quelque histoire sous la main.
Celle-là est assez vieille.
Enfin ce cavalier est cause que je me prive pour lui de tous les plaisirs.
- ↑ Nous avons traduit littéralement :
A que el Moro respondió
No estar conde, estar Hamete.