je me dis que pour soumettre le monde vous n’auriez pas besoin de déployer toutes vos forces ; car il suffirait d’un seul de vos rayons et d’une seule de vos flèches.
Je m’étonne doublement de ce langage, seigneur Henri : d’abord que vous osiez me le tenir, et ensuite que je puisse l’entendre. Retirez-vous de ma présence. Si le duc vous a envoyé à ma cour, ce n’a pas été pour que vous manquiez à lui-même et à moi.
Je ne croyais pas vous manquer, madame ; et pour le duc, je suis sûr de ne lui avoir pas manqué ; car il éprouve tous les sentiments que je vous exprime.
On a vu souvent se marier, mais jamais aimer par procuration. Et alors même que j’admettrais votre excuse, et que vous me parleriez pour lui, ne vous ai-je pas averti de ne me parler à ce sujet que quand je vous en parlerais moi même ?
Oui, madame ; mais parmi les conditions vous n’avez pas mis celle que vous ne m’en parleriez jamais, et que par conséquent je devais toujours me taire.
Eh bien ! s’il faut absolument que je vous parle, seigneur Henri, ce sera aujourd’hui même ; et ce sera pour vous dire, puisque vous m’avez comparée au soleil, que le duc serait bien imprudent de vouloir affronter le soleil avec des ailes de cire ; et je vous engage de nouveau à vous retirer, sans quoi ma colère répondrait d’une autre façon au duc et à vous.
Je vous obéis, madame, dans la crainte d’un châtiment plus grand ; si toutefois il peut y avoir quelque chose de plus triste que de s’éloigner de votre beauté. (À part.) Hélas ! je me meurs !
Cet excès d’audace me donne beaucoup à penser… Amour, laisse-moi tranquille un moment pour que je puisse réfléchir… Mais qui a pénétré jusqu’ici ?
C’est moi, madame la duchesse, qui viens furieux vous conter toute sorte de choses. Oui, j’enrage de voir que tout n’est que bavardage au palais, et que votre altesse elle-même bavarde.
Que voulez-vous me dire en ce moment ?
Et vous, madame, pourquoi l’avez-vous dit tout à l’heure ?