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LOUIS PEREZ DE GALICE.

vière, voulant vous parler avant de l’amener ici. Comme j’allais vous chercher, un domestique m’a indiqué votre maison au milieu de ce désert, et je me jette dans vos bras, reconnaissant, confiant, plein de joie, de crainte et d’amour. Mais puisque j’ai prononcé le mot amour, je m’arrête. Ce que l’on sollicite au nom de l’amour, ce n’est jamais une faveur, c’est un droit.

louis.

Je suis si offensé, Manuel Mendez, de tous ces vains compliments, que j’ai hésité à vous répondre. Eh, vive Dieu ! pour me dire : « Louis Perez, j’ai tué un gentilhomme, je mène une dame avec moi, et je viens vous demander asile, » était-il besoin de tant de phrases et de façons ? Eh bien ! moi, je veux vous apprendre comment il faut parler ; écoutez moi : « Manuel, venez dans ma maison, c’est la vôtre ; demeurez-y longtemps joyeux et satisfait ; je vous y recevrai et vous y servirai de mon mieux. » À présent, retournez, où vous avez laissé cette dame, et conduisez-la en un lieu où nous tâcherons qu’elle se trouve bien. Quant à moi, vous me dispenserez d’aller au-devant d’elle, d’abord parce que je n’aime pas toutes ces politesses, et ensuite parce qu’il faut que je reste pour disposer et ordonner tout ce qui peut être nécessaire à son service.

manuel.

Laissez, mon excellent ami, laissez, que je vous presse encore une fois sur mon cœur pour vous témoigner ma reconnaissance.

louis.

Bien ! bien ! allez vite. Cette dame, se voyant seule dans un pays étranger, pourra être inquiète, et je ne veux pas vous retenir. (Manuel sort.) Isabelle !


Entre ISABELLE.
isabelle.

Que désires-tu ?

louis.

Te dire que si jamais mon amitié pour toi a mérité quelque reconnaissance, tu me la montres à présent. Laissons nos querelles, et que les étrangers ne puissent rien soupçonner : il y aura temps pour tout. Il faut que tu saches qu’il nous est arrivé des hôtes à qui j’ai des obligations, et que je voudrais m’acquitter envers eux. Manuel Mendez vient ici avec sa femme.

isabelle.

En cela et en tout je suis prête à te servir. (On entend un cliquetis d’épées.) Dieu me soit en aide ! quel est ce bruit ?

louis.

J’entends des cris et un cliquetis d’épées.

une voix, du dehors.

Mort ou vif… il faut que nous l’ayons.