au loin comme une plaine azurée et des champs verdoyants… Mais tout cela ne dit rien à mon cœur ; et sans doute ma peine est grande puisque je demeure insensible devant le ciel et la terre, la mer et le jardin.
Quels pénibles combats vous avez à soutenir !
Si le chagrin qui s’est fait le persécuteur de votre beauté vous accorde un moment de trêve, recevez, — non ce portrait, — car ce qui a tant de vie et d’expression ne peut pas être une vaine image… recevez, dis-je, cet envoyé de l’infant du Maroc, Tarudant, qui vient de sa part mettre à vos pieds sa couronne. Cet ambassadeur muet, — vous ne pouvez pas en douter, — porte un message d’amour. J’ai à me féliciter de l’appui qu’il me prête : il a réuni dix mille cavaliers pour les envoyer sous mes ordres à la conquête de Ceuta, objet de mon ambition. Que votre modestie soit enfin moins sévère ; écoutez l’amour de ce prince, déjà héritier d’un puissant empire, et que j’espère couronner bientôt roi de votre beauté.
Qu’Allah me protège !
Quel sujet vous trouble ainsi ?
J’ai entendu ma sentence de mort.
Que dites-vous ?
Seigneur, vous êtes, vous le savez, mon maître, mon père et mon roi ; que pourrais-je dire ?… (À part.) Ah ! Muley ! quelle occasion tu as perdue ! (Haut.) Mon obéissance vous répond en se taisant. (À part.) Mon âme mentirait si elle le pensait ; ma bouche ment en le disant.
Prenez ce portrait.
Ma main peut le prendre par force ; mais mon âme ne l’accepte pas.
Ce coup de canon est tiré en l’honneur de Muley, qui sera rentré au port.
Il mérite qu’on lui rende cet honneur.