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LE SCHISME D’ANGLETERRE.

(LA CISMA DE INGLATERRA.)



NOTICE.


Dans le Schisme d’Angleterre, la seule comédie espagnole qui nous reste sur l’histoire de ce pays[1], Calderon, ainsi que le lecteur le pressent, a dramatisé les événements qui eurent pour résultat de séparer l’Angleterre de la cour de Rome. Comment un poëte espagnol, un poëte espagnol de l’époque des Philippe, comment un prêtre espagnol, un chapelain du roi d’Espagne, a-t-il jugé et mis en drame ces événements ? Voilà ce qu’on se demande en lisant le titre de cette curieuse comédie.

Avant d’examiner l’œuvre du poëte, nous allons, suivant notre habitude, exposer rapidement les faits historiques sur lesquels repose cette comédie.

Le roi Henri VIII (1527) s’étant épris d’Anne de Boleyn, l’une des filles d’honneur de la reine, et celle-ci ayant opposé sans doute à ses désirs une résistance habile, le roi résolut de l’élever au trône. Mais pour cela il fallait qu’il répudiât la reine Catherine d’Aragon, sa femme, avec laquelle il était marié depuis près de vingt ans. Or, la reine était une princesse d’une vertu irréprochable, quel motif, quel prétexte imaginer ? Tout à coup le roi se souvint que Catherine avait été pendant quelques mois l’épouse de son frère Arthur ; et, comme saisi de scrupules (un peu tardifs), il sollicita pour cette raison le divorce auprès du pape. Le pape se trouva placé dans une situation assez délicate : d’une part, il craignait Charles-Quint, neveu de Catherine, dont il était alors prisonnier ; de l’autre, il voulait ménager Henri VIII, dont il avait besoin : il chercha à gagner du temps. Ces délais irritèrent Henri, et il s’en vengea sur son premier ministre, le cardinal Wolsey, qui, après avoir paru approuver ses projets, voulut ensuite observer une sorte de neutralité. Wolsey fut disgracié, exilé, et ses biens furent confisqués par le roi. Puis, après quelques années perdues en négociations avec la cour de Rome, le roi fit prononcer par l’archevêque de Cantorbéry la sentence de divorce ; et le parlement, servile, comme il s’est montré si souvent en Angleterre, ratifia la sentence, ainsi que le mariage de Henri VIII avec Anne de Boleyn : cela, en décernant au roi le titre de chef suprême de l’église anglicane, — acte par lequel l’Angleterre fut définitivement séparée du saint-siége. — On sait comment finirent ces amours qui avaient causé dans un grand pays une révolution religieuse : Anne de Boleyn, condamnée comme coupable d’un commerce criminel avec son propre frère, périt sur l’échafaud. Devenu ainsi libre une seconde fois, Henri VIII épousa Jeanne Seymour, de laquelle il eut un fils qui lui succéda sous le nom d’Édouard VI, en 1547. — Mais ce prince étant mort à la fleur de l’âge, la princesse Marie, fille de Catherine d’Aragon, la première épouse répudiée, monta sur le trône (1553), etc., etc., etc.

Tels sont les principaux événements qui font le sujet de la pièce de Calderon

  1. Sur la fin du seizième siècle, ou dans les commencements du dix-septième, Lope de Vega avait composé une comédie intitulée el Pleyto de Inglaterra (la Querelle d’Angleterre), dans laquelle il avait peint, dit-on, la lutte de Marie Stuart et d’Élisabeth. Malheureusement cette pièce est aujourd’hui perdue.