Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
JOURNÉE II, SCÈNE II.

je ne sais quels misérables intérêts !… Ah ! je n’aurais pas attendu cela de vous !… Eh bien ! puisque vous me faites un tel outrage, je me vengerai, et voici comment. Tenez, voici des bijoux, prenez-les pour votre voyage. Vous ne refuserez pas au moins ce léger service, en attendant que j’aille tous deux vous rejoindre, et que je puisse à mon tour vous sauver de quelque imminent péril.

louis.

Embrassez-moi, et adieu. Il faut que j’aille châtier une sœur et un traître ; il faut que j’aille reprendre mon honneur qu’un lâche m’a dérobé en mon absence. J’accepte vos bijoux comme l’offre d’un ami ; je vous les rendrai quelque jour.

don alonzo.

Vous m’offensez.

louis.

Ce ne sera que l’accomplissement d’un devoir.

Ils sortent.

Scène II

Dans la maison de Louis Perez.
Entrent DOÑA ISABELLE et CASILDA.
casilda.

Si vous voulez savoir ce qui se passe, je vous l’apprendrai. Doña Léonor d’Alvarade est venue à Salvatierra.

isabelle.

Dans quel but ?

casilda.

Le désir de venger la mort de son frère l’aura, j’imagine, attirée ici. J’ai vu ce matin Jean-Baptiste qui causait avec elle.

isabelle.

Et qu’est-ce que tu en conclus ?

casilda.

Laissez-moi achever. — Étonnée de le voir parler à elle, j’ai interrogé un domestique de doña Léonor que je connais un peu, lui demandant d’où venait cette intimité ; à quoi il a répondu que dans l’information faite par le juge[1] envoyé de Madrid pour vérifier les délits que l’on impute à don Alonzo et à votre frère, il n’y avait que le témoignage de Jean-Baptiste qui leur fût contraire, et elle, par reconnaissance, elle lui a fait cet accueil. Car aujourd’hui, en vérité, on n’aime dans le monde que les témoins qui déposent au gré des parties.

isabelle.

Tais-toi, Casilda ; tes paroles sont pour moi un supplice. On ne devrait jamais raconter, on ne devrait jamais entendre de pareilles

  1. El pesquisidor. C’était le juge commis pour faire une enquête, à peu près ce qu’est chez nous actuellement le juge d’instruction.