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JOURNÉE III, SCÈNE III.

Entre THOMAS DE BOLEYN.
boleyn.

D’où viennent, sire, ces cris ? Il faut que la douleur soit bien grande pour soumettre ainsi la majesté.

le roi.

Hélas ! mon cher Boleyn, je vous ai confié l’administration de l’empire, comme à un homme sage et prudent ; je vous ai nommé président de mon royaume : vous ne pouvez manquer à la justice. Je saurai aujourd’hui comment vous accomplissez vos devoirs.

boleyn.

Vous n’avez pas besoin, sire, de me solliciter à faire ce que je dois. — Devant le ciel qui m’entend, je jure que je ferai justice, fût-ce même sur mon propre sang.

le roi.

Je crois à votre parole. (Lui donnant la lettre.) Prenez et lisez ; ce témoignage suffit.

boleyn.

Je pourrais, sire, m’affliger comme père ; mais le monde apprendra que j’ai surmonté les sentiments de père pour n’écouter que mes devoirs de juge. — Quelle qu’elle soit, la coupable périra.


Entrent ANNE DE BOLEYN, le CAPITAINE, et des Soldats.
anne.

Infâmes et traîtres, vive Dieu ! vous vous repentirez de tant d’audace. — Comment osez-vous vous jouer ainsi à moi ?

le capitaine.

J’agis d’après l’ordre du roi. C’est lui-même qui m’a dit de vous arrêter.

anne.

Il est là, il peut le dire. (Au Roi.) Eh quoi ! sire, est-il vrai que vous ayez donné l’ordre qu’on m’arrête ?

le roi.

Tel a été mon ordre.

anne.

Je n’oppose plus de résistance ; loin de là, je me prosterne humblement à vos pieds. — Mais quel motif vous porte à cette extrémité ?

le roi.

Vous le savez, et je ne veux pas le redire, — jusqu’à ce que votre mort fasse connaître tout à la fois l’offense et le châtiment.

Il sort.
anne.

Ici finit ma fortune ; ici finit mon triomphe et ma gloire ! — Hélas ! mon destin a été comme cette fleur des champs que le soleil pare un matin de ses couleurs brillantes, et que l’on retrouve le soir, tombée à terre, desséchée et flétrie.