Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/230

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paupières, les yeux n’avaient pas comme aujourd’hui cet air étonné de billes qui roulent ; les moustaches fines et relevées complétaient la grâce aimable de ce jeune Barracand qui, sans son nez tronqué de la narine droite, eùl été trop joli garçon. Son buste, que fit alors le sculpteur Louis Noël, ne donne qu’une imparfaite idée de sa joliesse, car les carnations jouaient le rôle brillant dans l’accord de sa physionomie.

Ah ! le délicieux Barracand, l’amant envié d’une ravissante grisette, dont la mère tenait une pension bourgeoise rue Sainte-Hyacinthe, couple pimpant, très admiré par les habitués du café Louis-Treize qu’il fréquentait. Je soupçonne que cette liaison fut surtout de parade. À distance et d’après plusieurs indices qui se réprésentent à mon esprit, elle me semble n’avoir été qu’un de ces commerces de galanterie platonique dont certaines bachelettes aventureuses et pratiques s’offrent l’amusette avec de jolis jouvenceaux, bénévoles et naïfs, tel que fut Barracand. S’il fut réel, ainsi que je le présume, ce jeu d’amour blanc pourrait servir à nous faire comprendre assez exactement la vraie nature de Barracand, aussi satisfait des apparences, lorsqu’elles sont flatteuses, que des réalités. Eh bien, quoique pourvu d’un agréable physique et gâté par un premier succès, Barracand sincère et généreux au fond, restait le bon compagnon que l’on aimait. Il demeurait alors rue Bréa. Dès qu’il avait terminé la scène d’un drame en vers ou le chapitre d’un roman, il se souvenait des camarades et descendait pour les retrouver au boulevard, puis il les emmenait souper au café du Helder ouvert jusqu’au matin. Ayant toujours dans son gousset les vingt-cinq francs de l’amitié, volontiers il les consacrait à passer la nuit en débouchant quelques bouteilles et dissertant sur la littérature avec les bons causeurs qui lui plaisaient.

Trop clémente au début, la vie lui fut moins bénigne par la suite. Un roman, Yolande, passa presque