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monde qu’il connoît, et sait vaincre par sa sagesse, par sa philosophie, par sa fermeté, par le travail, tous les regrets qui pourraient l’assaillir. Nous fîmes chez lui un repas tres frugal, dans lequel il nous prodigua les restes de sa fortune passée ; quelques vins délicats, du vin du Cap, des liqueurs de la Martinique, et d’excellent café moka : nous le quittâmes, pressés par le temps, par la nuit, en souhaitant qu’un jour le gouvernement le rende (s’il veut y consentir) au monde, à la marine, qu’il peut servir utilement.
Un assez beau clair de lune nous dirigea jusqu’à Compiegne. On sait combien d’illusions et de fantômes la nuit produit dans les forets. nous nous rappelâmes le grand chasseur de Fontainebleau, Merlin, le roi Artur, dont les contes répétés par toute la France, dans la Savoie, dans l’Angleterre, régnent avec quelque variété chez tous les habitants de la foret de Compiegne. En approchant de cette ville nous nous trouvâmes momentanément dans une obscurité profonde ; cette obscurité, qui ramené toujours à des idées tristes et lugubres, me représenta vivement la position de ces malheureux émigrés, qui si souvent traverserent la forêt de Compiegne pour se rendre de forêt en forêt jusque dans celle des Ardennes ; avec quelle palpitation de crainte, d impatience et d amour ils fouloient le sol de leur patrie pour venir embrasser leurs meres, leurs femmes, leurs