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marrons et de brigands, s’était figuré qu’on nous attaquait : d’où la fuite de tous mes braves.

Le vieil indigène que mon éclaireur avait trouvé dans les bois me fut amené. Il était en train de couper de l’écorce pour faire un vêtement à sa femme ainsi qu’à lui, ce qui me paraissait urgent, lorsque la rencontre avait eu lieu. Ce vieillard m’apprit que le village de Mânn Komo ; chef d’une section de Kakouenndi, était peu éloigné ; il me proposa d’y conduire sur-le-champ quelques-uns de mes hommes, qui reviendraient le lendemain matin et nous montreraient la route. Je reconnus cette offre obligeante par un cadeau d’une brasse de cotonnade ; et, ravi de ce présent, le vieil indigène partit aussitôt.

Ceux de mes hommes qui l’accompagnaient ne revinrent, le lendemain, que dans l’après-midi. Quelques autres étaient allés à la chasse ; ils avaient rapporté un zèbre ; le festin qui en fut la conséquence détruisit tout espoir de marche pour la journée.

Nous n’arrivâmes donc que le jour suivant au village de Mânn Komo. Ce village était défendu, à l’arrivée, par un cours d’eau qui avait alors vingt-cinq pieds de large et huit de profondeur ; il s’échelonnait, en majeure partie, sur le flanc d’une colline escarpée et rocheuse qui le protégeait par derrière. Un grand nombre des cavernes de la falaise servaient d’habitations ; et la place était à la fois d’un accès tellement difficile et d’une défense si aisée, que Mirammbo lui-même n’avait jamais pu s’y introduire.

Bientôt se présentèrent des agents de Mânn Komo, avec la mission de me réclamer cinquante dotis (cent brasses de cotonnade), sous prétexte de tribut. Leur maître avait entendu dire aux gens de Mrima Ngommbé que pareille somme avait été donnée dans l’Ougara.

Sachant qu’on n’avait jamais payé le droit de passage à Mânn Komo, et que sa demande n’était qu’un essai d’extorsion, je répondis à son message par un refus positif, auquel je joignis une leçon d’hospitalité. Je dis à ceux qui le représentaient que nous avions erré longtemps dans le jungle, où nous nous étions égarés, que leur maître ne l’ignorait pas, que par conséquent il aurait dû nous envoyer des vivres ; que s’il en avait été ainsi, j’aurais fait à Mânn Komo un présent en rapport avec sa générosité, mais que dans le cas actuel je ne lui donnerais rien, pas même un pouce d’étoffe.

Deux villageois m’ayant offert de nous conduire à la prochaine